dimanche 13 octobre 2013

Une Princesse au Palais – C.Roumiguière/C.Chaix – Thierry Magnier – 2012 – 19 €


J’ai lu ce livre après avoir écouté cette interview des auteurs, Y’a un éléphant dans le jardin, Aligre fm : clic. J’avoue que sans cette écoute, je ne sais pas si je serais allée vers cet album très grand format. Les illustrations sont complètement décentrées. Elles sont composées d’esquisse, de collage et de nombreuses superpositions. Les points de vue changent sans cesse. Elles représentent le décor, les émotions de l’héroïne mais aussi ses pensées et ses rêves. La typographie est aboutie et permet de cerner les dialogues, les pensées intimes et les interruptions du récit par les différents protagonistes. Parfois pleine page, parfois éclatées sur la double page, les illustrations sont aussi le récit. Les couleurs choisies, un peu « cuites » mais très vives sont aussi partie intégrante de l’histoire, ces tons sont des fils conducteurs importants. Au café du Palais, tous les mercredis, une jeune fille attend sa grand-mère qui fait le ménage dans les étages de cette brasserie. Ses longues heures d’attente ne sont pas une contrainte. Elle aime cette habitude du mercredi qui lui permet de rêver et d’observer les clients. Elle retrouve les habitué(e)s particulièrement Tatie Jackie, les perdu(e)s, les couples amoureux ou ceux qui aimeraient l’être. Notre héroïne a ses rituels dans ce lieu. Elle a sa table, son ardoise pour dessiner et son doudou Poke qui l’accompagne toujours. Mais ce mercredi est différent. C’est le jour tant attendu et tant redouté. Aujourd’hui, cette jeune fille devient une jeune femme. Elle n’est pas angoissée, elle n’est pas gênée mais elle a mal, très mal. Les spasmes lui broient le ventre. Elle sait aussi qu’à partir d’aujourd’hui elle ne sera plus la même. Elle est différente, proche d’elle-même mais déjà une autre. Le récit est assez complexe et très élaboré. Les métaphores du texte qui sont aussi visuelles s’harmonisent pour accompagner cette fille-femme sur le chemin de la métamorphose et de la toute puissance du corps. L’omniprésence des horloges, pendules et montres symbolisent le temps qui passe inexorablement mais aussi le cycle éternel de la vie et de la procréation. Ce Café du Palais (qui existe réellement à Reims) devient un lieu où le rêve et l’imagination se mêlent à la réalité. La présence de Poke le Doudou et ses interventions représente l’enfance qui se ferme. D’ailleurs notre héroïne oublie son doudou au Café du Palais en partant. Comme le précisent, les auteurs en fin d’ouvrage, cet album a un goût d’Alice au pays des Merveilles mais aussi de l’Ecume de jours de Boris Vian. La bande son proposée Night &Day de Cole Porter est parfaite pour lire et relire cet album en se demandant s’il ne faut pas le relire encore et encore pour s’assurer de n’avoir rien loupé …Dès 11 ans.
Si vous souhaitez en savoir plus ! critique de Télérama : clic, L’Attrape-livres France inter : clic, Ricochet, dernier clic.