jeudi 17 octobre 2013

Ti Poucet – S.Servant/I.Green – 40 p. - Rue du Monde – 2009 – 15 €


Après la chèvre de Monsieur Seguin, MoyenMoyen est passionné par le Petit Poucet. Règle t-il définitivement son complexe d’Œdipe ou essaie t-il de me dire quelques chose ? Dans tous les cas, nous arpentons tous les rayonnages de la bibliothèque à la recherche des diverses versions du Petit Poucet. Je vous avais déjà présenté le Journal secret du Petit Poucet de P.Lechermeier et R.Dautremer, ouvrage que je connais depuis longtemps maintenant mais que j’ai relu avec plaisir : ici ! Nous avons aussi relu Perdu et nous avons de nouveau ri et apprécié le rythme de cet ouvrage, ici. Ti Poucet est un album qui a subjugué MoyenMoyen et qui m’a confortée dans mon admiration pour Ilya Green. Cet ouvrage est une réécriture moderne du Petit Poucet. Dès la première page, on comprend que Ti Poucet est un jeune garçon qui vit à notre époque et peut-être à côté de chez nous. Il traîne en périphérie de la ville. Il semble désoeuvré. Les mains dans les poches, il triture sans cesse les trois cailloux qui ne le quittent jamais. Les villageois se moquent de lui car il a préféré manger les miettes de pain et mettre les fameux cailloux dans sa poche plutôt que de suivre ses frères et de retrouver ses parents un peu trop méchants. Les villageois le méprisent. Ils interdisent à leurs enfants de jouer avec lui. Ils le montrent du doigt en prévenant les plus jeunes que s’ils n’obéissent pas ils seront seuls et pitoyables comme Ti Poucet. Mais un jour, cette petite ville tranquille est terrorisée par l’arrivée d’un ogre gigantesque qui veut un enfant à dévorer. Cet ogre est effrayant avec sa bouche rouge et ses tatouages qui lui couvrent le corps. Un fois leurs enfants cachés, les villageois décident d’offrir Ti Poucet à l’ogre. Ils sont bien contents de se débarrasser de l’horrible colosse et du minuscule orphelin du même coup. Heureusement Ti Poucet est si petit qu’il arrive à se faufiler entre les doigts de l’ogre. Il court Ti Poucet, il court après la grand-route, au cœur de la forêt. Il tente se semer l’ogre dont il sent le souffle dans son cou … Cette réécriture du célèbre conte de Perrault n’est pas une version édulcorée. On frémit vraiment à la première lecture. Les villageois sont méprisables. Ti Poucet, malgré son visage renfrogné, est d’une fragilité sincèrement touchante. L’ogre est juste terrifiant avec ses dents « pointutes ». Heureusement que la fin du récit et la chute sont admirablement bien menées. L’histoire prend alors tout son sens, chaque chose reprend sa place. La vérité est dite. Le chagrin et la rancœur sont passés. Ti Poucet peut se reconstruire et grandir en paix. La mise en abyme et les conseils donnés aux lecteurs sont savoureux et apaisent le ou les lecteur(s). Suivant le schéma narratif du conte traditionnel, Stéphane Servant donne du sens à son interprétation du Petit Poucet. Les enfants ne s’y tromperont pas et sauront lire entre les lignes et débusquer leur propre version du conte. D’ailleurs, les plus affûtés débusqueront des clins d’œil à d’autres récits célèbres. Avec cette version, on touche du doigt l’essence même de l’intertextualité ! Les illustrations sont en adéquation avec cette version du conte. Les couleurs sont flamboyantes. Le rouge est très présent et souligne les sentiments de colère et de peur de Ti Poucet. On retrouve le style d’Ilya Green et ses marottes, l’enfant-chat, les arabesques de l’eau et des nuages, les pommettes rougies des enfants et surtout leurs regards si caractéristiques. Si vous aimez le rouge, je vous conseille cette exposition virtuelle de la BNF : ici. Dès 7 ans pour les PetitsProches qui sont au clair avec la peur de la dévoration et des monstres !