mardi 15 octobre 2013

Marre du rose – N.Hense/I.Green – 34 p. - Albin Michel jeunesse – 2009 – 11 €


Ilya Green est une illustratrice que j’ai découverte cette année. Depuis janvier, je recherche tous ses albums afin de mieux comprendre son travail et de cerner son style graphique. Je vous ai déjà présenté certains de ces albums dans la chronique 11 Mon Arbre et le Masque et dans celle-ci les plus belles Berceuses jazz et Ti’Poucet. J’ai gardé celui-ci pour cette chronique de rentrée car il me semble indispensable à la bibliothèque d’un enfant, qu’il soit fille ou garçon. Une petite fille se révolte contre l’omniprésence du rose autour d’elle ; pas moyen d’y échapper : sur les vêtements, sur les jouets, sur les fournitures scolaires. Cette fillette aime les vêtements noirs, les dinosaures, les insectes et surtout les grues. Ses parents respectent ses goûts vestimentaires mais ils l’incitent à changer de comportement en l’affublant de l’horrible surnom de garçon manqué ! Cette expression trotte dans la tête de la petite fille qui comprend qu’elle est considérée « un peu comme un garçon mais pas un garçon quand même ». Elle observe et analyse les comportements des autres enfants autour d’elle et particulièrement d’Auguste et Carl qui s’intéressent plus à la couture, aux fleurs et aux perles. Sont-ils des filles manquées ou des garçons loupés ? Elle décide d’assumer sa personnalité sans changer d’un iota. Elle sait qu’elle est une fille et décide d’en être fière. La petite fille demande alors à ses parents de ne plus jamais l’appeler garçon manqué. Les illustrations sont hautes en couleurs et montrent les situations quotidiennes vécues par la petite fille. Son regard frondeur et sa moue boudeuse prouvent sa maturité et sa capacité de réflexion. Elle tient à sa différence et ne craint pas de se rebeller contre les préjugés de ses parents. A la dernière page, la petite fille est dans le groupe d’enfants. Elle est complètement intégrée. Elle y est à sa place comme Carl et son déguisement de fleur-coccinelle, comme les petites filles princesses et comme les spidermen verts. Elle se sent bien et son regard (pointé vers le lecteur) nous confirme qu’elle a raison d’être ce qu’elle est ! Cet album a fait cogiter MoyenMoyen longtemps ! Il ne venait pas à bout de cette expression « un garçon manqué ». Mais les garçons qui aiment les jeux de fille sont aussi des garçons manqués. Il étirait son raisonnement jusqu’à imaginer un troisième sexe pour les enfants qui étaient manqués … Il a essayé d’étiqueter tous les élèves de sa classe. Il s’est alors rendu compte que cela n’avait aucune importance et qu’il aimait aussi bien les filles très filles, les filles aimant les jeux de garçons et toutes les autres ! Pour tous les enfants dès 5 ans.



Histoire de Julie qui avait une ombre de garçon – C.Bruel/A.Galland/A.Bozellec – 50 p. - Editions Etre – 1976/2009 – 17 €
 
J’ai profité du remue-méninges de MoyenMoyen pour lui proposer un album que j’apprécie beaucoup même s’il est un peu complexe : Histoire de Julie qui avait une ombre de garçon. Une petite fille souffre des remarques blessantes et du manque d’affection de ses parents qui la jugent trop masculine. Petit à petit, elle perd son identité. Son ombre se modifie et devient une ombre de garçon. Elle refuse cette ombre, elle lutte … Elle s’épuise et perd goût à la vie. Heureusement une rencontre au pied d’une statue de Charles Perrault lui donnera la force d’être fière d’elle … Cet album qui est un classique de la littérature jeunesse est complexe. Il peut déranger les GrandsProches qui apprécient les albums lisses et légers. Le travail d’illustration est admirable et offre un véritable récit visuel. Le rapport texte-image est intense. Le mal-être et la souffrance de Julie sont touchants. Son combat et sa victoire sont aussi un peu les nôtres lorsque l’on referme ce livre. Dès 7 ans.
Sur ce thème parfois difficile d’être un garçon ou une fille, d’un peu des deux ou aucun des deux, je vous conseille la lecture de l’article d’Ariane Tapinos, Fille ou garçon ? Citrouille – 2013- n°64 – p. 9



Strongboy, le tee-shirt de pouvoir – I.green – 36 p. - Didier jeunesse – 2011 – 10.90 €
 
Je ne sais si vous êtes comme moi mais j’ai des tenues pour affronter certaines journées. J’ai une tenue lorsque je dois négocier avec mes responsables (féminine mais sobre, classe et bien coordonnée d’après moi). J’ai des tenues lorsque je m’occupe des enfants à la maison (des pelures, des pantalons larges qui ne craignent rien enfin plutôt qui ne craignent plus rien, ni la morve, ni le vomi, ni les « crucs » non identifiés) et enfin j’ai une tenue porte-bonheur pour les rendez-vous importants. Olga, l’héroïne de cet album est comme moi (d’ailleurs elle me ressemble !). Elle a un tee-shirt de pouvoir, le tee-shirt strongboy ! Ce vêtement frappé d’un grand S permet à Olga de commander aux autres enfants. En un instant, elle se transforme en dictateur : Sophie, Gabriel, Ana et le chat doivent se plier aux désirs de Mademoiselle. Dans le désordre mais sur un ton qui n’attend aucune réplique Olga veut que les fourmis construisent une piscine, elle exige que Sophie lui donne sa pomme. Elle ordonne à Gabriel de marcher à quatre pattes et le Chat doit aller lui chercher une glace à la fraise. Tous s’exécutent sans broncher … Mais lorsque le chat revient avec la glace de Mademoiselle, il porte lui aussi un tee-shirt Strongboy ! Olga est dépitée. Le Chat explique alors que le marchand de glace l’offre à tous les enfants qui lui achètent des glaces à la fraise … Un à un, les enfants reviennent avec un Stongboy sur le dos… La chute est savoureuse et permet de désamorcer par le rire la tension narrative. L’escalade de la violence retombe et chacun peut réfléchir et discuter sur la situation engendrée par ce vêtement de super pouvoirs. Sans ton moralisateur, sans conseils édifiants, Ilya Green fait confiance aux jeunes lecteurs pour trouver et comprendre seuls les enjeux et les limites des rapports de force dans un groupe. Elle entremêle habilement des instants drôles et d’autres moments plus délicats. Les illustrations sont vives et centrées sur les expressions des jeunes héros. Sans décor, ni ornement superflus, le cadre régulier et la répétition rappellent presque les flip-books, le site de flip books : ici et une vidéo là ! Je pense que je  vais revoir toute la garde robe de PetitPetit (son petit nom du quotidien est Néron !) pour trouver son tee-shirt de pouvoir et le brûler au milieu du jardin en dansant comme une damnée ! Vous remarquerez le titre qui souligne l’importance qu’Ilya Green donne à l’égalité des garçons et des filles et aux libertés individuelles. Dès 5 ans.
 
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